Libérons l’intelligence collective !

Samedi dernier, le 14 avril, a eu lieu un Hackathon pour la transition, organisé par la Chambre de l’économie sociale et solidaire de Genève. Notre coopérateur Benno Fischer y a participé pour itopie. Voici son compte-rendu de cette journée passionnante !


 

Itopie a donc été invitée à réfléchir à la question suivante : « Comment arriver à fournir des outils de gestion libres aux PME et TPE à bas coût ?« . Voilà une question qui correspond tout à fait au cœur de l’activité de la gestion de parcs informatiques d’itopie à laquelle je fais partie.

Comme cela commence à se savoir, en plus que de réparer du matériel, itopie s’efforce aussi d’accompagner un nombre croissant d’entreprises pour le maintien de leur structure informatique. Ce qui implique aussi bien la simple installation d’une imprimante que du conseil stratégique pour des choix technologiques. Et dans ces cas-là, bien sûr nous privilégions le plus souvent des logiciels libres.

Ce hackathon m’a permis de revenir sur le pourquoi de ce choix et sur l’importance de savoir le communiquer ! En effet, il reste un certain nombre de clichés autour du libre qui ont la vie dure:

  • La première ambiguïté à dissiper est justement le « bas coût » qui figure dans la question. Ce n’est pas du tout une définition du logiciel libre que d’être gratuit, mais éventuellement une conséquence. Le logiciel n’est gratuit que si l’on est suffisamment autonome et qu’on a pas peur d’investir du temps et de toute façon il représente le travail de quelqu’un. Sur un niveau éthique, il convient donc de se poser la question si les personnes qui ont développé le logiciel qu’on utilise ont été rétribuées dignement. Si un produit aussi performant que LibreOffice.org existe, c’est qu’une fondation a su obtenir des fonds auprès de collectivités qui ont su favoriser l’investissement vers le bien commun plutôt que des solutions purement commerciales.
  • Une deuxième idée reçue, est l’accusation que le libre serait incompatible. Un comble ! Dans ce cas-ci, la cible désignée semble être le fichier « .odt » qu’on peut recevoir parfois de la part d’un libriste enthousiaste. Ce reproche révèle très crûment un autre frein au logiciel libre : le manque d’information. D’où l’importance de la vulgarisation !
    Ainsi donc, on ignore encore que si Word ne sait pas lire un document « Open Document », c’est juste un choix délibéré de la part d’un éditeur monopolistique ! Le logiciel incompatible dans ce cas précis est la suite MS Office qui se refuse à adopter un standard au profit d’un format qui est loin de l’être. Rappelons que Word peut s’avérer incompatible avec lui-même, en cas de changement de langue par exemple (ou entre une version Mac et une version Windows de MS Office). Voir à ce sujet l’article du site ll-dd.ch sur l’incompatibilité de la suite MS Office.
  • Un autre reproche qui est fait au libre est qu’il serait insuffisamment documenté. Là aussi, c’est étonnant, étant donné qu’on a accès à tout y compris au code source ! Là où cette critique peut être acceptée, c’est qu’étant donné l’ampleur de la diffusion des produits privatifs dominants on trouve plus facilement des tutoriels qui émanent souvent de personnes souhaitant partager leurs expériences. Cette volonté de partager la connaissance est justement au cœur de l’esprit du libre. Il est toujours paradoxal de voir que ce partage profite autant aux logiciels privatifs (pour lesquels il n’y a pas de contrepartie).
  • Ce qui nous amène à un autre cliché, celui que le libre serait un ghetto d’originaux totalement à l’écart de l’informatique main stream. On ignore donc que les GAFAM ont construit des empires privatifs avec des briques de logiciels libre ! Qu’Apple s’est servi de contributeurs libres pour développer son noyau Darwin qui reste opensource. Que Google exploite l’enthousiasme de développeurs volontaires dans ses Summer of Code. Que les contributions souvent libres de développeurs indépendants ont été la clé du succès de l’iPhone et de l’AppleStore !
  • Pour finir, il y a la suspicion d’inefficacité des logiciels libres et l’ignorance de l’offre disponible. Pour les curieux, on peut rappeler qu’il faut régulièrement questionner ses habitudes logicielles avec https://alternativeto.net. On est rarement déçu et le plus souvent impressionné par la pléthore d’alternatives aux produits dont on se croit dépendant.

Pour en revenir à la question posée, elle contient justement une de ces naïvetés : « Comment arriver à fournir des outils de gestion libres aux PME et TPE à bas coût ? ». Si Google search ne répond pas instantanément « Odoo et Dolibarr » à cette question (qui sont deux outils de gestion opensource très populaires), c’est que son moteur sémantique n’est décidément pas au point, ou alors qu’il fait de l’obstruction…

Plus sérieusement, cette question fait réfléchir au manque d’information. Et qu’on ne soupçonne pas la sophistication des solutions disponibles en licence libre.

Pour Itopie, cela signifie que nos efforts sont méconnus ! Ceux que nous faisons pour réunir en un « produit » (le serveur « Inubo »), toutes les fonctionnalités identifiées comme nécessaires pour les parcs que nous gérons.

Itopie a raison maintenant de préparer un successeur à inubo, intégrant des outils collaboratifs et plus de facilité d’administration. Et plus que jamais il faut poursuivre notre effort pédagogique pour vulgariser, pour former et libérer nos partenaires.

S’il y a une leçon à tirer de ce hackathon, c’est qu’itopie pourrait être plus ambitieuse. En effet, dans l’atmosphère bouillonnante d’innovations, il y avait un désir perceptible de changement d’une transition vers une économie collaborative. On sent aussi une attente grandissante pour sortir de l’emprise des GAFAM. Les collectivités semblent également prêtes à investir pour des solutions de changement. Comme on investit pour la transition énergétique en éoliennes et en panneaux solaires, on pourrait également investir pour la transition numérique.

Clairement, le logiciel libre c’est l’économie solidaire appliquée à l’informatique. C’est la mutualisation des coûts portés par une multitude de structures avec des besoins communs qui permet d’abaisser
le coût pour chacune d’entre elle.

Alors, à itopie de poursuivre et à proposer un financement participatif autour d’un « inubo 2 » ?

Benno Fischer


 

Un grand merci à Benno pour cet article et pour sa participation au Hackathon !

Pour être plus ambitieuse, il faut plus de bras et de têtes à itopie. En d’autres termes, venez nous aider à construire un autre modèle informatique, plus libre, éthique et citoyen, par exemple en adhérant à la coopérative !

 

itopie a besoin de vous !